Ma naissance en tant que mère
Le 26 août 2005, je donne naissance à une petite fille qui se prénomme Chiara. Un bonheur sans limite…
Mais aussi un désespoir sans fin… J’ai fait ce qu’on
appelle une dépression post-partum…
Je ne rentrerais pas dans les détails de mon passé qui ont fait que j’ai pu
être fragile lors de la naissance. Mais je rentrerais dans les détails qui ont
fait que tout a ressurgi avec ma maternité, et que je n’ai pas su gérer par la
suite.
Une grossesse avec suivi « classique », une grossesse rejetée par beaucoup parce que je suis jeune (20 ans), une échographie qui se transforme en agression… et pour finir un accouchement humiliant où on écarte mon conjoint et où je suis livrée aux désirs de l’équipe médical.… Mon plus grand bonheur est venu en même temps que le pire des désespoirs.
Je suis une thérapie. Je m’en sors. Et pourtant…
Loevan arrive 3 ans et 3 mois après. Grossesse suivie par
une sage-femme. Toujours la même. Accouchement à la maison avec cette même
sage-femme. J’accouche dans ma chambre entourée des bras de mon amour, du père
de mes enfants…
Je me suis réapproprié mon corps, ma vie, ma grossesse, mon accouchement… J’ai
pris ma revanche. Je me suis prouvée que je pouvais y arriver.
Mais voilà. Je constate qu’il y a une très grande
différence entre mon attachement pour Loevan et celui que je ressens pour
Chiara…Je suis sous le choc… Entre Chiara et moi, il y a un fossé. L’amour
n’est pas naturel. Je me force.
Mais j’ai honte je ne dis rien. Je m’enferme petit à petit avec ce secret…
Les semaines passent et le rendez-vous des 6 semaines
arrivent. Je revois ma sage-femme.
Elle me demande comment ça va. Je lui explique que je vais très bien. J’hésite
à dire le « mais »… J’ai tellement honte. Mais si je ne lui en parle
pas à elle, à qui en parler ? Alors je saute le pas et lui dis tout.
Pendant la naissance de Loevan, je suis devenue sa mère. Je me suis battue avec lui pour nous faire naître. J’ai accouché de lui, mais j’ai aussi accouché de moi.
Dès les premiers instants, j’ai été sa mère. Nous avons fait naître un lien qui nous unira à tout jamais. Je suis sûre de tout quand je m’occupe de lui. Les critiques glissent sur moi. Elles ne m’atteignent pas. Je n’ai rien à prouver, ni à moi, ni aux autres.
Mais, voilà, c’est tout le contraire avec Chiara. La naissance douce de son frère m’a fait me rendre compte que la sienne a vraiment été violente. Il nous a manqué quelque chose et cela nous manquera sans doute à jamais. Rien que dans l’amour que je lui porte.
Ce que je ressens pour
Loevan est comme une évidence, comme si cela avait été en moi depuis la nuit
des temps. Rien ne s’est imposé à moi.
Pour Chiara, même l’amour que j’éprouvais pour elle était violent. Je
n’arrivais pas à le gérer. Il s’imposait vraiment à moi.
Elle me dit avec sa voix douce qu’il ne faut pas renier tout ça. C’est notre histoire à toutes les deux.
Je le sais. Cela n’empêche pas de faire très mal. Mais je sais que c’est “grâce” à cette violence du personnel que j’ai pu donner naissance à mon fils à la maison. Sans cette souffrance accumulée, je n’aurais peut-être pas eu la force.
Nous en restons là. Qu’y a-t-il d’autre à dire ?
Quand je rentre, je retrouve ma Chiara. Il m’a suffit de poser mes yeux sur elle pour sentir un changement. Je la prends dans mes bras et j’ai la tête qui tourne. D’un coup, j’ai chaud. Puis j’ai froid. Que m’arrive-t-il ? Dès que je m’approche d’elle, je me sens bizarre. Je suis obligé d’arrêter ce que je fais. Il y a un tourbillon dans ma tête et dans mon corps. Il se passe quelque chose. J’ai l’impression d’accoucher. Je suis en train de finir la naissance de Chiara. Je sens que quelque chose veut sortir de moi. Quelque chose que je retenais depuis trois ans.
Mes peurs, mes doutes... sont en train de partir. Je me sens mère depuis que Loevan est là. Je suis en train de devenir la mère de Chiara. J’accouche de notre lien. Des vagues d’émotions m’envahissent dès que Chiara m’approche. Est-ce des sortes de contractions d’émotions? J’ai chaud. J’ai froid. J’ai faim. Je veux vomir. J’ai envie de rire, de pleurer, de sauter, de danser, de crier, de bouger, de ne pas bouger …
Le lien se tisse. Je m’envole
Trois jours. Cela a duré trois jours. Puis plus rien. Enfin non pas rien, mais TOUT. Tout ce qui va constituer notre avenir à Chiara et moi.
A présent, je ressens aussi ce lien indestructible entre nous. Mon amour est doux. Je ne culpabilise plus. Je l’aime. J’accepte notre histoire.
Je suis sa mère. Je n’ai rien à prouver à qui que ce soit. Elle est ma fille, ma chair, mon sang. Je l’ai portée neuf mois et accompagnée à l’extérieur.
Mon accouchement aura tout simplement duré trois ans et cinq mois.
Ce que j’ai fait en quelques heures pour Loevan aura pris plusieurs années pour Chiara. Mais ce manque qui, il y a encore quelques heures, me faisait peur, a disparu. Oui, notre début d’histoire ne changera jamais. Mais ça y est je suis forte. Je suis la mère de deux enfants magnifiques.
Pour la première fois de ma vie, je me sens à ma place dans mon rôle de mère. Pour Loevan, cela n’a jamais fait aucun doute. Pour Chiara, la peur qu’on me l’enlève est resté présente jusqu’à ce jour. J’avais l’impression de ne pas la mériter. J’étais persuadée qu’à tout moment, on allait venir me l’enlever! On allait se rentre compte que je n’étais pas une mère.
Mais si, je suis sa mère et plus jamais je ne douterai. Plus jamais je ne laisserai quelqu’un l’arracher à moi. Je suis celle qui sait, celle qui les aime. Je suis leur maman.
Julie