Devenir mère, c'est comprendre ce qu'on a reçu, et vouloir donner encore plus
Mon histoire de mère a été douloureuse et compliquée, parce que sur les cinq enfants que j'ai portés, deux ont eu le destin de naître, et trois celui de n'être.
Accéder à la maternité, chose facile pour
la plupart des femmes, a été pour moi le parcours du combattant. Procréation
assistée, perte accidentelle d'une grossesse gémellaire, premier enfant né
suite à une FIV, interruption d'une autre grossesse pour raison médicale, et
enfin deuxième enfant.
Plus de 10 ans au cours desquels la question de la maternité a été au centre de
ma vie.
Ma mère a été présente physiquement à chacune des naissances (sauf l'IMG), et son soutien m'a été infiniment précieux, soit dans le deuil, soit pour m'aider lors des premières semaines avec un nourrisson.
Lors de la perte de ma grossesse
gémellaire, nous avons été très proches, car elle a assisté à tout, et a fait
pour moi quelque chose de vraiment unique. Et puis, elle qui est très pudique,
elle m'a exprimé son amour avec des mots. Il a fallu pour cela une situation de
crise.
Je peux regretter de ne pas en avoir entendu plus dans mon enfance, mais en
fait c'est de peu d'importance, car, comme on dit, "il n'y pas d'amour, il
n'y a que des preuves d'amour", et j'en ai eu toute ma vie. Par contre, je
suis beaucoup plus expressive avec mon fils. Je pense qu'exprimer son amour à
son enfant l'aide à avoir une bonne image de lui-même, à condition que nos
actions soient en adéquation, c'est à dire que nous lui montrions respect et
considération.
En résumé, j'ai toujours eu une bonne relation avec ma mère, ayant la certitude d'être aimée, et n'ai donc pas de "compte à régler" avec elle. Elle a sûrement fait des erreurs, mais elle a fait le mieux qu'elle a pu avec ce qu'elle est. Tous les parents en sont là. Les opinions de ma mère sur mes choix, éducatifs et autres, sont parfois critiques, et cela me touche, mais j'ai d'autres repères pour contrebalancer. Cela n'a pas toujours été le cas, et s'est accentué avec le temps et la maturité.
Peut-on être à la fois fille et mère?
Oui, si l'on sait prendre les remarques maternelles avec du recul, et les
écouter au même titre que les conseils d'autres personnes. Il faut aussi savoir
pardonner à ses parents le mal qu'ils ont pu nous faire sans le savoir, sans le
vouloir. Mon regret est de ne pas avoir moi-même de fille, car j'aurais aimé
reproduire cette relation profonde et solide que j'ai avec ma mère.
Je ne dirais pas qu'être mère m'a fait
découvrir le sens de ma vie, ou donné une deuxième naissance. Cela me semble
une vision romantique, irréaliste. Je suis restée moi-même en devenant mère,
avec mes qualités et mes défauts.
Être mère donne une nouvelle dimension à la vie, indéniablement, nous
conduisant à l'abnégation, nous dépasser, à surmonter nos faiblesses pour le
bien de nos enfants. Je me suis découvert des ressources inconnues, la force de
surmonter les deuils, de supporter physiquement et mentalement les contraintes
de la procréation assistée.
Mais j'ai parfois aussi le sentiment d'être dépossédée de moi-même, du temps
que je n'ai pas à consacrer à autre chose, à moi-même. Dans mon rôle de mère,
je complexe souvent de ne pas faire assez bien, par rapport à d'autres qui sont
si sûres d'elles. Ca me rassure quand on me dit du bien de mes enfants, et
quand je les vois heureux.
Je crois que la naissance de mon deuxième enfant m'a confirmée à mes propres
yeux dans mon statut de mère, et que je suis plus sûre de moi, face aux autres
mères, face à ma famille, face aux pédiatres aussi.
Être parent permet de se connaître mieux
soi-même, ses points forts et ses faiblesses. Dans mon cas, je me suis rendu
compte que j'ai les mêmes travers que mon père, ceux-là même qui m'ont fait
souffrir. Heureusement, comme j'en suis consciente, je peux lutter contre ces
tendances dans une certaine mesure, "corriger le tir".
Ainsi, être mère m'a permis de mieux comprendre mon père, qui s'emportait
facilement avec moi, car je répète le même comportement envers mon enfant.
Notre génération est beaucoup plus attentive à la psychologie infantile que ne
l'étaient nos parents et grands-parents, il y a donc bon espoir d'élever une
génération de jeunes plus équilibrés!
Devenir parent fait comprendre que les parents ne sont pas parfaits. On prend aussi conscience des casseroles que l'on transmet à ses enfants, et il faut autant que possible les aider à gérer cette part inévitable d'hérédité. Dans mon cas, je pense surtout à l'anxiété familiale, et au manque d'encouragement auquel j'attribue mon peu de confiance en moi.
J'ai voulu être accompagnée par une doula car j'avais peur de l'accouchement, sachant que mon conjoint ne me serait d'aucun soutien. Pour des raisons financières, j'ai opté pour une doula en formation. Le simple fait de la rencontrer deux fois et de savoir qu'elle serait auprès de moi le jour J pour m'aider à gérer la douleur m'a beaucoup rassurée. Grâce à elle, et à la présence de ma mère (qui n'était pas prévue), je me suis sentie très sereine et garde un excellent souvenir de mon premier accouchement.
Sophie