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Naître avec Toi
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5 décembre 2010

Après plusieurs années d’attente, voilà qu’un

Après plusieurs années d’attente, voilà qu’un petit être se décide à vivre parmi nous. Je n’imaginais pas qu’avant même sa naissance, ma vie allait être tant bousculée…

En juin 2008, j’apprends ma grossesse de manière classique : retard de règles, et test de grossesse positif. Nous sommes heureux, rassurés aussi : nous commencions à douter de notre capacité à donner la vie sans avoir recours à la PMA. Pour ma part, j’idéalise ce que va être cette grossesse.

Très vite, les désagréments, à savoir les nausées, viennent entacher ma sérénité. Des nausées abominables, jour et nuit sans discontinuer, et ce jusqu’au 6ème mois environ, très difficile à vivre. A cela, s’ajoute vers le 4ème mois un syndrome de Lacomme très invalidant (douleurs musculaires et ligamentaires), qui diminuait progressivement ma mobilité et mes déplacements.
Pas de soutien du corps médical qui n’entend pas mon malaise, et qui ne cesse de me renvoyer que « c’est courant », et que « tout est parfaitement normal pour le bébé ».

Du coup, je me tourne vers des activités comme le chant prénatal, la sophrologie, l’acupuncture… pendant que je peux encore me déplacer. Cela ne me soulage que très partiellement. Je me sens très seule, enfermée dans ma douleur; je ne peux me détendre et m’occuper l’esprit par la lecture, des activités manuelles ou même la télévision, tant les nausées sont envahissantes et prennent toute la place.
Mon conjoint ne sait plus que faire pour tenter de me distraire. J’accepte pour lui faire plaisir ses propositions de sorties (promenades en forêt…) mais c’est un calvaire pour moi, je préfère de loin être dans le fond de mon lit. Lui aussi tombe des nues, il n’avait pas imaginé cela.

Vu ma sédentarité forcée, et les grignotages intempestifs pour tenter de calmer des nausées qui, l’estomac plein, se font l’espace d’un instant plus supportables, je prends beaucoup de poids. Plus 23kg au début du neuvième mois, après j’ai arrêté de me peser!
Inutile de préciser que je n’ai pas travaillé de toute la grossesse. Le grand vide, passage de l’hyperactivité à l’apathie la plus totale, sans transition…
Je prie chaque jour pour que cette douleur physique s’en aille, j’ai si mal dans mon corps…

Paradoxalement, je ne regrette rien. Je voudrais juste que le temps passe plus vite pour accoucher. Je savoure ce moment de communion avec mon bébé dans mon ventre. Je l’ai très vite senti bouger, je lui ai beaucoup parlé et chanté des chansons. Tout aurait pu être parfait…

Moralement aussi, c’est très moyen. Je ne me sens pas en sécurité.
Je n’ai pas peur pour mon bébé, à aucun moment; je sais que lui va parfaitement bien, je le sens. J’ai peur de tout, j’ai peur dans ma maison…
Et surtout, petit à petit, va s’installer une peur panique : et si je me retrouvais toute seule avec ce bébé! Cela devient mon angoisse, une obsession, une torture. Cette idée s’est instillée sans que je ne sache ni comment ni pourquoi. Jamais auparavant je n’avais douté de la solidité de mon couple, de la fidélité de mon compagnon… mais subitement, tout avait changé. Je le soupçonnais de me tromper, de ne plus m’aimer, de vouloir me quitter, nous abandonner… alors que rien de concret n’infirme cette impression. J’imaginais aussi régulièrement qu’il allait mourir, d’une maladie ou d’un accident : c’était comme une intuition. Je pleurais beaucoup. J’étais exécrable, je surveillais tous ses faits et gestes, l’interrogeais, lui faisais des scènes, remettais tout en cause. Je ne supportais pas qu’il sorte sans moi, je le voulais tout le temps présent, disponible, tout à moi. J’étais littéralement étouffante, tentaculaire, presque détestable!

De son côté, il avait plus que jamais besoin d’évasion, ce qui alimentait ma paranoïa : il n’est jamais autant sorti le soir avec ses amis que durant cette période. Sûrement pour fuir mon besoin de rassurance intarissable, profiter de ses derniers moments en tant que jeune homme avant d’être « enchaîné » à son foyer et ses responsabilités paternelles, et peut-être exorciser quelques angoisses personnelles et existentielles liées à cette étape cruciale de sa vie.

Ces idées prennent alors une dimension telle, qu’elles envahissent mon quotidien, je ne parviens pas à les réfréner, comme si elles s’imposaient à moi. Je sens alors qu’il est temps de me faire aider pour tenter de comprendre ce qui m’arrive, ce qui est à l’origine de cette perte d’équilibre et pourquoi cela survient à ce moment de ma vie.

J’ai plusieurs amies proches, mais aucune avec qui je me sente à l’aise pour évoquer ce sujet. Quant à ma mère, nous n’avons pas été très proches durant ma grossesse. Elle semble y porter peu d’intérêt, et évite même les sujets de discussion liés à ma maternité lorsque nous nous voyons. Pourtant, je sens que j’aurais eu besoin d’entendre parler des circonstances de ma naissance, restées pour moi un peu floues car très peu souvent abordées. Mais je n’ose pas, connaissant sa douleur encore aujourd’hui présente autour de ce sujet.

Ma mère a été enceinte de moi à 18 ans, un « accident ». Elle a beaucoup souffert de vivre sa grossesse seule, mon père ayant disparu dans la nature en apprenant la nouvelle. Je l’ai souvent entendue dire que c’était une période de sa vie très difficile, très destructrice pour elle. J’ai donc certainement associé le fait d’être enceinte et celui de souffrir, ce qui constitue peut-être déjà un semblant d’explication. Cette peur de l’abandon qui s’emparait de moi prenait peut-être son origine dans l’histoire de ma mère : elle a été abandonnée, je l’ai été moi aussi… et si l’histoire se répétait?

Je contacte alors une femme avec qui j’avais effectué une constellation familiale en groupe quelques mois auparavant. Elle m’avait déjà aidée à comprendre pas mal de choses sur nos difficultés à concevoir un enfant. Nous continuons le travail sous forme d’entretiens individuels, avec des outils de psychogénéalogie.
Il en ressort que, dans ma lignée familiale, depuis plusieurs générations, les femmes/mères ne se sont pas réalisées dans leur vie et que les hommes/pères étaient absents (morts, disparus, marginaux, handicapés…). Il apparaît pour moi compliqué de me réaliser pleinement en tant que femme et mère dans ce contexte. Il s’agit de m’autoriser à vivre une union heureuse, d’accepter d’être la mère d’un enfant au père présent. Par loyauté envers mon clan familial, ce père ne pouvait être là, et je ne devais pas être heureuse. J’étais donc en train malgré moi de reproduire les choses, c'est-à-dire évincer le père. Par mon comportement invivable, je le poussais à disparaître, à renoncer à sa place de père responsable.

Nous avons travaillé à l’aide de visualisations, mises en scène et autres techniques, dans le but de rompre les répétitions, les liens négatifs, de me débarrasser des « fardeaux » qui ne sont pas les miens… Cette hypothèse de compréhension de ce qu’il m’arrivait m’a beaucoup parlé et aidée, ce qui a sensiblement et rapidement fait évoluer la situation. Les douleurs n’ont pas disparu, en revanche mon état émotionnel s’est grandement amélioré. J’ai pu vivre la fin de ma grossesse sereinement, avec une confiance en moi et en mon compagnon retrouvée.

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Après la naissance de ma fille, ma mère a fait une profonde dépression. Déjà, lorsqu’elle est venue nous voir à la maternité, j’ai bien vu que quelque chose n’allait pas, que c’était difficile pour elle d’être là. Plus tard, elle m’a dit qu’elle n’avait pas du tout été indifférente au fait que j’attende un enfant, bien au contraire. Mais ma grossesse l’a profondément chamboulée. L’immense blessure morale qu’elle pensait bien enfouie a été ravivée, et s’est manifestée de manière violente. Elle a revécu sa propre grossesse et ma naissance, souvenirs et émotions réactivés, à travers mon histoire.

Ludivine

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