Ma naissance... la vraie!
Enfance, adolescence mortifère, rythmée de drames, de deuils, de psys, de tabous, de colères, de drogues. Accumulations de maux sans mots.
J'avais 8 ans quand mon
père s'est suicidé.
J'ai disparu de mon corps dès cet âge pour laisser place, toute la place à la
douleur de ma mère.
Je ne me suis jamais plainte, j'ai utilisé le langage qui la faisait réagir...plusieurs tentatives de suicide à partir de 11 ans. Là au moins, j'étais sûre que j'existais à ses yeux. C'était de courte durée, puisque systématiquement elle me plaçait en hôpital psychiatrique, où je me sentais en sécurité, de par l'assistanat total.
J'ai toujours éprouvé des
sentiments exacerbés pour ma mère. Mélange d'Amour, de protection et de haine.
L'ambiance générale étant le silence et la dépression, dans l'abandon du
père...
J'ai vite compris que ma mère était une femme, non une mère. J'ai compris aussi
que l'on n’aurait jamais le même langage et qu'il y aurait toujours un climat
conflictuel entre nous.
Dans ma vie d'adulte, les relations amoureuses ont été très chaotiques.
Toujours en tria-lité, entre la peur de l'abandon, la recherche du père et la
femme dominatrice.
J'ai fini par me persuader que je ne souhaitais pas avoir d'enfant, par peur de reproduire le schéma familial. Mais au fond j'ai toujours rêvé de ma grande famille!
En octobre 2009,
j'apprends par hasard que je suis enceinte de 2 mois...Grossesse engendrée par
une amourette d'été, rompue la veille de la nouvelle.
J'ai été très choquée...j'avais 6 semaines pour me décider avec le papa, qui
n'était plus mon amoureux. Jusqu'au dernier jour de la 14ème semaine, j'étais
indécise.
Nous avons ensemble décidé de garder le bébé, en l'élevant séparément. En réinventant une forme de parentalité...Décision qui m'a vite mise en marge par rapport aux autres, ma famille et surtout ma mère. Qui m'a très vite annoncé qu'elle ne s'occuperait jamais de cet enfant et que j'étais incapable d'être mère.
J'ai vécu ma grossesse dans un sentiment de féminité absolue qui s'étendait au fur et à mesure que mon ventre s'arrondissait. Envie de couleur, de fantaisie… quel changement! moi qui était toujours vêtue de noir, avant. Quelle merveille de se sentir 2, protectrice d'un être grandissant et surtout protectrice de moi-même. Le regard des autres changeait sur moi.
En contradiction, j'ai
constaté le manque total d'intérêt du papa, il avait choisi que son rôle ne
commence qu'à la naissance. Ce qui a, en fait, renforcé mes liens d'attachement
avec ma fille, Youma.
Mais dans ces conditions, le sentiment d'abandon se remettait en place et mon
éternelle angoisse remontait à la surface : toujours écartelée entre ces 2
sentiments, force exacerbée de femme, de maman et désintérêt du papa .
Très entourée par ma meilleure amie, présente aux échographies, pour les chagrins et les joies. Mon âme se sentait en paix malgré tout. « Je suis capable d'Aimer, d'être Aimée et de m'Aimer »
Lorsqu'un soir, le 22/01/2010, au 5ème mois, je perds mon bébé.
Béance fonctionnelle du col. L'échographie était parfaite le matin même. Elle
part en 3h...interminables de souffrance. Accompagnée de ma meilleure amie qui
m'a soutenue jusqu'au bout, jusqu'à découvrir le corps de ma petite Youma, décédée...mais
magnifique et minusculement parfaite.
Après quelques mois de questionnements, de démarches spirituelles sur moi, j'ai
compris que le passage de ma fille, est en fait l'accouchement de moi-même.
Cette petite fille a emmené avec elle, mes vieux schémas d'existence, elle est comme un clone de l'ancienne petite Emilie. C'est un symbole très intime pour moi...
Dorénavant, je me positionne en tant que femme indépendante devant ma mère, qui m'a avoué avoir tricoté la layette de Youma...
Je ne me mets aucune barrière dans mes rêves et réalisations artistiques, ce qui attire la reconnaissance, les collaborations.
Je fais des choix par rapport à ma famille, je m'affirme.
Je n'ai plus peur, je me protège, je RELATIVISE sur la gravité des petits soucis de la vie!
Je suis fière de moi et ça me suffit!
Emilie, Mam'Ange