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Naître avec Toi

Naître avec Toi
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5 décembre 2010

Expérience du féminin

Et si accoucher, c’est mettre au monde un enfant, c’est d’abord être au monde autrement, être au monde en altérité, en tant que femme confrontée à l’expérience de la perte, pour qu’elle et l’enfant deviennent deux.

L’enfant parle d’autres, de généalogie, de liens aux ancêtres, de liens primordiaux de la femme à sa propre mère.

Patricia Rossi
Éclosion du matriciel, expérience du féminin

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5 décembre 2010

Le vécu de l'accouchement, la douleur et l'accompagnement

Les deux situations, la femme qui accouche et le bébé en train de naître, ont plusieurs points communs. Quand je parle de points communs, c’est dans le sens où tout enfant qui vient de naître passe par trois premières étapes : la situation extrême, l’angoisse originaire et la séparation; et pour accéder à la naissance psychique, il faut un accompagnement suffisamment bon et des expériences suffisamment positives, sinon l’enfant bascule dans l’autisme primaire.

La femme qui accouche, elle, est aussi passée par ces trois premières étapes. En effet, le degré de régression, le retour au vécu de sa propre naissance, et la résolution plus ou moins harmonieuse de ses propres conflits et émois archaïques peuvent amener la femme à ré-affronter l’expérience de situation extrême, d’angoisse originaire, de séparation-arrachage de la peau et entraîner des conséquences psychologiques graves. Afin d’écarter au maximum ces risques, un accompagnement spécifique suffisamment bon est nécessaire.

S’il y a carence de l’accompagnement, différentes formes d’angoisse peuvent apparaître : l’angoisse de mort, l’angoisse de morcellement, d’anéantissement avec différentes conséquences psychologiques graves.

Avant de conclure, je voudrais parler de l’empreinte de la naissance. Au cours d’une séance de relaxation, une personne a revécu certains moments de sa naissance; pour l’avoir observée et entendue après son expérience, je peux affirmer que les contractions, leurs rythmes deviennent un souvenir. Voici un extrait de son témoignage :

« J’ai notamment revécu le dernier instant de l’expulsion : j’ai senti l’ouverture du vagin sur tout le cuir chevelu, ça s’ouvrait doucement, jusqu’au moment où j’ai senti que ma tête était sortie; tout de suite après, c’était une chute soudaine, sans fin, avec une angoisse originaire, une angoisse d’anéantissement; puis tout a basculé, je me suis sentie tenue par les pieds, la tête en bas. »

Cette jeune femme qui a bien voulu partager son expérience de relaxation nous a parlé un peu plus longuement de sa naissance :

« Pour ma naissance, une des difficultés a été à la fin du travail de dilatation. Je ne m’engageais pas. Comme m’a dit ma mère, "tu n’as vraiment rien fait pour m’aider !" et c’est une sage-femme, debout sur un tabouret, qui a appuyé de tout son poids sur le ventre de ma mère pour m’engager dans le travail d’expulsion. »

C’est ce qui va former la "réaction prototypique" d’Arthur Janov. En effet,
• comment, quand un enfant ne participe pas au choix primordial “d’entrer dans la vie”, peut-il prendre des décisions importantes dans sa vie d’adulte sans avoir ce besoin constant d’être poussé ?
• comment un adulte peut-il porter un réel intérêt à la vie quand il n’a pas choisi lui-même de naître ?
• quels sens les contacts physiques peuvent-ils avoir lorsque ces premiers contacts ont été un poids écrasant d’adulte sur soi ?

Danièle Bullaert, Psychologue en crèche
Résumé de mémoire de maîtrise - 1993 - Paris V René Descartes


5 décembre 2010

Maïeusthesie

La mère donne la vie à l’enfant, mais aussi l’enfant donne la vie à sa mère. A tel point, qu’il arrive que ce sentiment vienne compenser, chez certaines femmes, un vide de vie, que le quotidien ne remplit pas habituellement. Dans ce cas, la véritable rencontre sera plus difficile car l’étape fusionnelle risque de perdurer… parfois au-delà de la naissance…

Si la mère rencontre l’enfant… la mère se rencontre aussi elle-même dans une dimension jusque là inconnue d’elle, et pour longtemps.

Quand il s’agit d’un premier enfant, la maternité fait entrer la mère dans un autre aspect de la femme, mal connu d’elle jusqu’alors. L’idée de maternité, tant qu’elle n’est connue qu’intellectuellement, même si elle est désirée viscéralement, ne peut rendre compte de la réalité effectivement vécue et ressentie.

La femme devenant mère se trouve dans une position protectrice et nourricière qui fait qu'elle n'est plus simplement la fille de sa propre mère. A son tour, elle est la source, le nid, la sécurité. A son tour, la vie est là, en elle. Elle fait une expérience nouvelle de la femme qu’elle est, et de la femme qu'elle devient.

La mère revit sa propre naissance et sa propre enfance. La grossesse la conduit à revisiter différents aspects de sa vie.

Si l’enfant est une fille, cela amènera naturellement la mère à penser à sa propre naissance, et donc à la grossesse de sa propre mère.
Si le garçon arrive, il donne aussi à sa mère une expérience nouvelle : celle de porter en elle un homme en devenir. La femme en devenir, quand c’était une fille la rapprochait d’elle-même, l’homme en devenir quand c’est un garçon donne un nouveau rôle à la femme.

De nombreuses situations sont possibles et renvoient la mère (et le père) à leur histoire…

http://www.maieusthesie.com

5 décembre 2010

Devenir mère.

La grossesse ne se vit pas qu'ici et maintenant. Elle prend ses racines dans votre histoire et même dans celles des générations qui vous ont précédés...
Comme à votre bébé, ces neuf mois sont nécessaires à votre évolution et vous acheminent vers une nouvelle naissance.

La grossesse place la jeune femme dans une situation tout à fait particulière et atypique dans le cours de sa vie. Cet état est défini aujourd'hui comme celui de la "transparence psychique".
L'entrée dans la grossesse crée un bouleversement interne déclenchant la réactivation de forces inconscientes inconnues, de symptômes physiques ou psychiques. Pendant la grossesse, les mécanismes de défense, comme le refoulement, permettant d'effacer de la mémoire consciente les situations, représentations, et affects gênants, douloureux ou réprimés, se lèvent tels des barrières. La censure inconsciente, qui habituellement refoule ce qui choque ou agresse l'être humain, diminue...
Comme la masse d'eau retenue auparavant par un barrage, le contenu de l'inconscient déferle au niveau de sa conscience...

L'arrivée de ce bébé constitue un puissant catalyseur, une profonde motivation pour accoucher par la parole. Ainsi la naissance de l'enfant devient alors l'occasion d'une nouvelle naissance pour sa mère.

Elisabeth Raoul & Marie-Dominique Gaïa
Le temps de naître

5 décembre 2010

Ma naissance en tant que mère

Le 26 août 2005, je donne naissance à une petite fille qui se prénomme Chiara. Un bonheur sans limite…

Mais aussi un désespoir sans fin… J’ai fait ce qu’on appelle une dépression post-partum…
Je ne rentrerais pas dans les détails de mon passé qui ont fait que j’ai pu être fragile lors de la naissance. Mais je rentrerais dans les détails qui ont fait que tout a ressurgi avec ma maternité, et que je n’ai pas su gérer par la suite.

Une grossesse avec suivi « classique », une grossesse rejetée par beaucoup parce que je suis jeune (20 ans), une échographie qui se transforme en agression… et pour finir un accouchement humiliant où on écarte mon conjoint et où je suis livrée aux désirs de l’équipe médical.… Mon plus grand bonheur est venu en même temps que le pire des désespoirs.

Je suis une thérapie. Je m’en sors. Et pourtant…

Loevan arrive 3 ans et 3 mois après. Grossesse suivie par une sage-femme. Toujours la même. Accouchement à la maison avec cette même sage-femme. J’accouche dans ma chambre entourée des bras de mon amour, du père de mes enfants…
Je me suis réapproprié mon corps, ma vie, ma grossesse, mon accouchement… J’ai pris ma revanche. Je me suis prouvée que je pouvais y arriver.

Mais voilà. Je constate qu’il y a une très grande différence entre mon attachement pour Loevan et celui que je ressens pour Chiara…Je suis sous le choc… Entre Chiara et moi, il y a un fossé. L’amour n’est pas naturel. Je me force.
Mais j’ai honte je ne dis rien. Je m’enferme petit à petit avec ce secret…

Les semaines passent et le rendez-vous des 6 semaines arrivent. Je revois ma sage-femme.
Elle me demande comment ça va. Je lui explique que je vais très bien. J’hésite à dire le « mais »… J’ai tellement honte. Mais si je ne lui en parle pas à elle, à qui en parler ? Alors je saute le pas et lui dis tout.

Pendant la naissance de Loevan, je suis devenue sa mère. Je me suis battue avec lui pour nous faire naître. J’ai accouché de lui, mais j’ai aussi accouché de moi.

Dès les premiers instants, j’ai été sa mère. Nous avons fait naître un lien qui nous unira à tout jamais. Je suis sûre de tout quand je m’occupe de lui. Les critiques glissent sur moi. Elles ne m’atteignent pas. Je n’ai rien à prouver, ni à moi, ni aux autres.

Mais, voilà, c’est tout le contraire avec Chiara. La naissance douce de son frère m’a fait me rendre compte que la sienne a vraiment été violente. Il nous a manqué quelque chose et cela nous manquera sans doute à jamais. Rien que dans l’amour que je lui porte.

Ce que je ressens pour Loevan est comme une évidence, comme si cela avait été en moi depuis la nuit des temps. Rien ne s’est imposé à moi.
Pour Chiara, même l’amour que j’éprouvais pour elle était violent. Je n’arrivais pas à le gérer. Il s’imposait vraiment à moi.
 

Elle me dit avec sa voix douce qu’il ne faut pas renier tout ça. C’est notre histoire à toutes les deux. 

Je le sais. Cela n’empêche pas de faire très mal. Mais je sais que c’est “grâce” à cette violence du personnel que j’ai pu donner naissance à mon fils à la maison. Sans cette souffrance accumulée, je n’aurais peut-être pas eu la force. 

Nous en restons là. Qu’y a-t-il d’autre à dire ?

Quand je rentre, je retrouve ma Chiara. Il m’a suffit de poser mes yeux sur elle pour sentir un changement. Je la prends dans mes bras et j’ai la tête qui tourne. D’un coup, j’ai chaud. Puis j’ai froid. Que m’arrive-t-il ? Dès que je m’approche d’elle, je me sens bizarre. Je suis obligé d’arrêter ce que je fais. Il y a un tourbillon dans ma tête et dans mon corps. Il se passe quelque chose. J’ai l’impression d’accoucher. Je suis en train de finir la naissance de Chiara. Je sens que quelque chose veut sortir de moi. Quelque chose que je retenais depuis trois ans.

Mes peurs, mes doutes... sont en train de partir. Je me sens mère depuis que Loevan est là. Je suis en train de devenir la mère de Chiara. J’accouche de notre lien. Des vagues d’émotions m’envahissent dès que Chiara m’approche. Est-ce des sortes de contractions d’émotions? J’ai chaud. J’ai froid. J’ai faim. Je veux vomir. J’ai envie de rire, de pleurer, de sauter, de danser, de crier, de bouger, de ne pas bouger …

Le lien se tisse. Je m’envole

Trois jours. Cela a duré trois jours. Puis plus rien. Enfin non pas rien, mais TOUT. Tout ce qui va constituer notre avenir à Chiara et moi.

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 A présent, je ressens aussi ce lien indestructible entre nous. Mon amour est doux. Je ne culpabilise plus. Je l’aime. J’accepte notre histoire.

Je suis sa mère. Je n’ai rien à prouver à qui que ce soit. Elle est ma fille, ma chair, mon sang. Je l’ai portée neuf mois et accompagnée à l’extérieur.

Mon accouchement aura tout simplement duré trois ans et cinq mois.

Ce que j’ai fait en quelques heures pour Loevan aura pris plusieurs années pour Chiara. Mais ce manque qui, il y a encore quelques heures, me faisait peur, a disparu. Oui, notre début d’histoire ne changera jamais. Mais ça y est je suis forte. Je suis la mère de deux enfants magnifiques.

Pour la première fois de ma vie, je me sens à ma place dans mon rôle de mère. Pour Loevan, cela n’a jamais fait aucun doute. Pour Chiara, la peur qu’on me l’enlève est resté présente jusqu’à ce jour. J’avais l’impression de ne pas la mériter. J’étais persuadée qu’à tout moment, on allait venir me l’enlever! On allait se rentre compte que je n’étais pas une mère.

Mais si, je suis sa mère et plus jamais je ne douterai. Plus jamais je ne laisserai quelqu’un l’arracher à moi. Je suis celle qui sait, celle qui les aime. Je suis leur maman.

Julie

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5 décembre 2010

Evolution

Oui, la naissance de mes enfants a changé ma vie, ils m’ont fait naître.

Grâce à la naissance du premier, j’ai pris conscience que je pourrais être maître de ma vie. Je n’ai pas apprécié certaines façons de faire des personnes qui m’accompagnaient, et je me suis donc dit pour le 2ème que je ferais différemment.
Et là, pendant 9 mois, j’ai commencé à me poser des questions sur ce que je souhaitais vraiment. Et pour élargir mes souhaits, j’ai lu des livres, j’ai cherché des témoignages de parents qui s’étaient eux même posés la question et qui avaient eu la chance de rencontrer des professionnels qui leur avait donné la possibilité de vivre ce qu’ils souhaitaient.

Et me voilà partie en 1999 sur l’envie d’accoucher à la maison, avec une sage femme qui m’accompagnerait. Je cherche la sage femme aux alentours de là où j’habitais, et je m’aperçois avec déception qu’il n’y en a pas. La plus près se trouve en Bretagne; elle me dit toutefois que si nous nous rapprochons de chez elle, elle veut bien nous accompagner. Je lui réponds que non, je ne veux pas sortir de chez moi; quitte à devoir sortir de chez moi, j’irai au plus près.

Donc je devais imaginer mon enfantement avec cette réalité. Celle-ci me permettra d’écrire ce que j’ai nommé « projet d’accouchement ». J’ai écrit ce document pour me rassurer : si je ne rencontrais pas auparavant la sage femme qui sera présente le jour J, hé bien elle aura au moins lu dans mon dossier ce que je souhaite pour ce moment magique.

Du jour où j’ai donné ce projet au gynécologue qui me suivait à la maternité, que j’avais choisi pour son côté plus humaniste, j’ai du rencontré une bonne partie de l’équipe.
Car tout le personnel avait entendu parlé de ce projet, rebaptisé par le chef de la maternité « contrat » et celui-ci a même été mis sur un site de discussion « doctissimo » sans mon autorisation.
Je fus étonnée de voir comment ce projet a été vilipendé. Le papa était, lui, furieux, et m’a dit : « De toutes façons, ils feront ce qu’ils veulent, mais nous serons seuls dans la pièce ».

Ni une ni deux, je rappelle la sage femme de Bretagne afin de me retrouver en sécurité, et je décide de partir trois semaines en Bretagne. Ma fille naîtra sur la terre bretonne, en toute sérénité, le 29 février 2000.
Depuis, un 3ème est né, en Bretagne également, avec des propriétaires ravis de savoir qu’une naissance s’est produite dans leur propriété. Bien sûr ils n’étaient pas au courant avant ! Car j’avais compris précédemment qu’il ne fallait mieux pas exprimer son projet avant de l’avoir vécu. Trop de peurs humaines nuisent à un tel projet. Seuls ceux qui le respecteraient, sauraient.

Ceci dit, cette expérience de projet exprimé permet depuis, symboliquement je dirais le 1er janvier 2000, d’accoucher avec un projet personnalisé, de changer les habitudes, et de permettre à des parents de s’approprier davantage la naissance de leur enfant, ce qui était le désir de beaucoup de professionnels.

Depuis, je suis conscience que rêver sa vie permet aussi de vivre ses rêves; et j’applique cette devise dans tous les domaines de la Vie.

Ce qui est évidement en lien avec le « café des parents et des enfants », car je souhaitais qu’existe un lieu où les parents puissent se retrouver entre pairs.
Au départ, deux ans avant l’ouverture, l’idée était plutôt de critiquer certains professionnels et de faire le contraire, heureusement nous nous sommes aperçus que nous faisions comme eux. C'est-à-dire ne pas accepter la différence.
Alors voilà,  l’idée du café est de dire que personne ne détient la vérité sur la naissance, sur l’éducation, mais plutôt chacun détient la sienne et aucune ne peut être un modèle.

 

Christèle, le 18 novembre 2010 (10 ans après !)

5 décembre 2010

Naissances en résonance

La naissance de l'enfant, un des événements les plus beaux de la vie, n'est, en réalité, que la partie visible de l'iceberg. Elle cache toutes les autres naissances.

La naissance physique de l'enfant s'est d'abord faite sur tous les autres plans, du plus subtil au plus concret. Ces naissances successives se font généralement en fin de grossesse, à des moments différents pour l'enfant et pour la mère:
- au niveau spirituel: les parents se sentent participer au mystère de la vie et entrent en communion avec l'enfant;
- au niveau mental: le couple se sent prêt dans sa tête à accueillir l'enfant. La mère se prépare à laisser l'enfant quitter son giron;
- au niveau émotionnel: l'amour des futurs parents se tourne vers la rencontre. Ils le sentent bouger, lui parlent, le caressent;
- au niveau énergétique: le corps de la femme commence à "vibrer l'ouverture" pour laisser sortir l'enfant;
- et enfin au niveau physique: le bébé traverse le bassin maternel vers la lumière. Il est né!
La naissance de l'enfant ne peut se faire si les différentes "naissances en résonance" ne se sont pas effectuées.

Avec la naissance de l'enfant s'effectuent bien d'autres naissances:
- pour la femme: la naissance de la mère qu'elle devient;
- pour l'homme: la naissance du père qu'il devient;
- pour la lignée de chacun des parents: la naissance des grands-parents et des aïeux.

En plus pour les jeunes parents, la naissance de leur enfant leur fait "revivre" leur propre naissance à des degrés différents, quelquefois en même temps, parfois en différé. En effet, notre naissance, comme tout ce que nous avons vécu, est enregistrée, de façon indélébile, dans les sensations de notre corps. Un événement riche de sensations et d'émotions laisse alors remonter à notre conscience le souvenir de notre propre naissance.

Il est très riche de noter votre vécu de l'accouchement, tout de suite après la naissance de votre bébé. Ce vécu de naissance est très précieux. Il constitue un concentré de la vie que l'enfant reproduira, de façon inconsciente, dans les moments symboliques de passage, de renaissance: crises de l'enfance, de l'adolescence, de la vie adulte, de la vieillesse...

Le déroulement de votre propre naissance se rejoue à tous les moments de passage, et cette répétition vous permet de comprendre de mieux en mieux vos comportements et leur enjeu. Une fois ce vécu intégré dans toutes ses dimensions, vous en êtes libérée et vous vous retrouvez, dans les passages difficiles, totalement créatrice de votre propre vie.

Martine Texier
Accouchement, naissance: un chemin initiatique


5 décembre 2010

Devenir mère, c'est comprendre ce qu'on a reçu, et vouloir donner encore plus

Mon histoire de mère a été douloureuse et compliquée, parce que sur les cinq enfants que j'ai portés, deux ont eu le destin de naître, et trois celui de n'être.

Accéder à la maternité, chose facile pour la plupart des femmes, a été pour moi le parcours du combattant. Procréation assistée, perte accidentelle d'une grossesse gémellaire, premier enfant né suite à une FIV, interruption d'une autre grossesse pour raison médicale, et enfin deuxième enfant.
Plus de 10 ans au cours desquels la question de la maternité a été au centre de ma vie.

Ma mère a été présente physiquement à chacune des naissances (sauf l'IMG), et son soutien m'a été infiniment précieux, soit dans le deuil, soit pour m'aider lors des premières semaines avec un nourrisson.

Lors de la perte de ma grossesse gémellaire, nous avons été très proches, car elle a assisté à tout, et a fait pour moi quelque chose de vraiment unique. Et puis, elle qui est très pudique, elle m'a exprimé son amour avec des mots. Il a fallu pour cela une situation de crise.
Je peux regretter de ne pas en avoir entendu plus dans mon enfance, mais en fait c'est de peu d'importance, car, comme on dit, "il n'y pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour", et j'en ai eu toute ma vie. Par contre, je suis beaucoup plus expressive avec mon fils. Je pense qu'exprimer son amour à son enfant l'aide à avoir une bonne image de lui-même, à condition que nos actions soient en adéquation, c'est à dire que nous lui montrions respect et considération.

En résumé, j'ai toujours eu une bonne relation avec ma mère, ayant la certitude d'être aimée, et n'ai donc pas de "compte à régler" avec elle. Elle a sûrement fait des erreurs, mais elle a fait le mieux qu'elle a pu avec ce qu'elle est. Tous les parents en sont là. Les opinions de ma mère sur mes choix, éducatifs et autres, sont parfois critiques, et cela me touche, mais j'ai d'autres repères pour contrebalancer. Cela n'a pas toujours été le cas, et s'est accentué avec le temps et la maturité.

Peut-on être à la fois fille et mère? Oui, si l'on sait prendre les remarques maternelles avec du recul, et les écouter au même titre que les conseils d'autres personnes. Il faut aussi savoir pardonner à ses parents le mal qu'ils ont pu nous faire sans le savoir, sans le vouloir. Mon regret est de ne pas avoir moi-même de fille, car j'aurais aimé reproduire cette relation profonde et solide que j'ai avec ma mère.

Tristanetmoi


Je ne dirais pas qu'être mère m'a fait découvrir le sens de ma vie, ou donné une deuxième naissance. Cela me semble une vision romantique, irréaliste. Je suis restée moi-même en devenant mère, avec mes qualités et mes défauts.
Être mère donne une nouvelle dimension à la vie, indéniablement, nous conduisant à l'abnégation, nous dépasser, à surmonter nos faiblesses pour le bien de nos enfants. Je me suis découvert des ressources inconnues, la force de surmonter les deuils, de supporter physiquement et mentalement les contraintes de la procréation assistée.
Mais j'ai parfois aussi le sentiment d'être dépossédée de moi-même, du temps que je n'ai pas à consacrer à autre chose, à moi-même. Dans mon rôle de mère, je complexe souvent de ne pas faire assez bien, par rapport à d'autres qui sont si sûres d'elles. Ca me rassure quand on me dit du bien de mes enfants, et quand je les vois heureux.
Je crois que la naissance de mon deuxième enfant m'a confirmée à mes propres yeux dans mon statut de mère, et que je suis plus sûre de moi, face aux autres mères, face à ma famille, face aux pédiatres aussi.

Être parent permet de se connaître mieux soi-même, ses points forts et ses faiblesses. Dans mon cas, je me suis rendu compte que j'ai les mêmes travers que mon père, ceux-là même qui m'ont fait souffrir. Heureusement, comme j'en suis consciente, je peux lutter contre ces tendances dans une certaine mesure, "corriger le tir".
Ainsi, être mère m'a permis de mieux comprendre mon père, qui s'emportait facilement avec moi, car je répète le même comportement envers mon enfant. Notre génération est beaucoup plus attentive à la psychologie infantile que ne l'étaient nos parents et grands-parents, il y a donc bon espoir d'élever une génération de jeunes plus équilibrés!

Devenir parent fait comprendre que les parents ne sont pas parfaits. On prend aussi conscience des casseroles que l'on transmet à ses enfants, et il faut autant que possible les aider à gérer cette part inévitable d'hérédité. Dans mon cas, je pense surtout à l'anxiété familiale, et au manque d'encouragement auquel j'attribue mon peu de confiance en moi.

J'ai voulu être accompagnée par une doula car j'avais peur de l'accouchement, sachant que mon conjoint ne me serait d'aucun soutien. Pour des raisons financières, j'ai opté pour une doula en formation. Le simple fait de la rencontrer deux fois et de savoir qu'elle serait auprès de moi le jour J pour m'aider à gérer la douleur m'a beaucoup rassurée. Grâce à elle, et à la présence de ma mère (qui n'était pas prévue), je me suis sentie très sereine et garde un excellent souvenir de mon premier accouchement.

Sophie

5 décembre 2010

Mal de mère... et heureuses vagues

J’ai des souvenirs de ma naissance, enfin, pas d’images ni de choses racontées, mais une odeur persistante, une odeur de mort, et un sentiment de déchirement…
Longtemps, j’ai eu en horreur mes anniversaires, cette piqûre de rappel annuel qui venait réveiller mon sentiment d’être sans mère.


En fait, j’ai 2 mères. Une maman qui fut là pour mes bobos, pour mon quotidien, qui a su me donner de l’amour sans jamais arriver à combler mon si grand besoin d’affection et de câlins. Une mama Kelly, que j’imaginais cruelle car m’ayant abandonnée, que je voulais retrouver pour lui montrer combien j’étais aimable, combien j’avais eu une enfance triste, combien elle aurait du me garder auprès d’elle…


Et puis le temps qui passe, qui vient rajouter de nouvelles casseroles, qui rend mon giron incapable de mettre au monde un bébé, un ventre qui accueille, puis qui enlève de si petites vies qui emplissaient déjà mon cœur de mère. Je me désespère.


Je décide de retrouver ma mère biologique, comme un appel de meute auquel on est forcé de répondre, comme un espoir. J’ai pensé qu’en retrouvant ma mère je pourrais en devenir une à mon tour.

La recherche fut rapide malgré les continents qui nous séparent. La découverte fut un choc terrible. Jamais je n’aurais pu imaginer cela. Je n’existais pas pour elle ; pas parce qu’elle m’avait rayée de la carte, mais tout simplement parce qu’on lui a caché mon existence. Sa première grossesse fut gémellaire, on le lui dissimula, et après la césarienne en anesthésie générale on lui présenta un seul bébé, tout petit bébé, ma sœur. Moi, je passerai dans les mains de personnes diverses pour finir adoptée par des français. Voilà, un trafic d’enfant, tout simplement.
On m’a arraché à ma mère et à ma sœur, j’encaisse assez bien le choc ; sur l’instant, tout ce que je vois, c’est que ma mère n’a pas voulu se débarrasser de moi.

Je vais à leur rencontre en septembre 2006. Un voyage long et intense, un retour extrêmement difficile, je me sens à ma place nulle part, je fais une petite dépression. Puis mon corps somatise tout cela, mon cycle change et disparaît, je vomis.


Je suis enceinte, un bébé miracle. Je sais qu’il s’accrochera, sa venue a du sens, il a fallu que j’aille là-bas, que je me confronte à ma propre histoire pour que mon ventre se fasse enfin accueillant.

Durant ma grossesse, des angoisses, une fragilité… une amie me parle d’une doula qui est très proche d’elle. Franchement, je ne vois pas en quoi cela pourra m’aider. La grossesse avance, je sens que je vais mourir en accouchant, ou alors ma fille, ou encore qu’on va me l’enlever.
Je déteste être enceinte mais j’ai tellement peur de la perdre que je pourrais accepter d’être enceinte toute ma vie !

Je saute le pas et contacte donc Claire, une femme formidable. Elle forme une bulle rassurante autour de moi. Mon mari apprécie aussi. On se sent accompagnés, et moi j’ose enfin lui dire mes peurs : avec elle, je ne me sens pas ridicule, je me sens forte.


Je dépasse largement le terme, il est temps que je me mette en travail si je veux l’accouchement physiologique que je souhaite. Je suis en colère contre moi, mon corps contracte depuis si longtemps mais mon cerveau bloque tout. Je ne pensais pas la présence de ma doula utile à la maternité… grosse erreur, rien ne se passe comme prévu, je bloque complètement. Mon corps contracte toutes les 3min depuis des heures… rien n’avance, pas plus avec le déclenchement. Je suis à 2. Je perds les eaux, rien ne change.

Au bout de 40h de travail sans progression je suis épuisée, j’accepte le « gros » déclenchement celui qui immobilise, celui qui me fera vivre un enfer…


Je me sens toucher la mort du bout du doigt, la même odeur qu’à ma naissance… je finis par expulser en 1 seule poussée ma fille. Et je perds connaissance.


Le papa est en peau à peau avec elle le temps qu’on s’occupe de moi ; et quand je l’ai enfin sur moi, j’ai peur. Je sens tout l’amour que j’ai, et la peur démesurée qui l’accompagne. Je n’avais pas prévu qu’on resterait ensemble, dans mon schéma mental on aurait du être séparées !

Ma blessure primitive m’éloigne de la réalité. Je me sens incapable de m’occuper d’elle, chacun de ses pleurs me revoie à mon incompétence de mère. Je suis en détresse, c’est horrible d’aimer autant quelqu’un, et de devoir admettre qu’on n’est pas en état de s’en occuper.


J’appelle à l’aide, des mots sont posés, une dépression du post-partum. Une équipe ultra compétente me suit, d’autres personnes me viendront en aide, des mamans formidables qui croient en moi. Et aussi Claire, qui m’apportera encore son soutien, son aide.

Le temps passe, j’ai une idée fixe. Je regarde les passants, cherchant des gens compétents pour élever ma fille. C’est le paradoxe : je suis incapable de la quitter des yeux et pourtant je pense que n’importe qui d’autre sera plus compétent pour s’occuper d’elle, elle mérite mieux que moi.

Au CMP, j’aborde le sujet. On me rassure, j’insiste. On me dit qu’on peut envisager un placement provisoire, si je le souhaite. Je ramène le dossier à la maison, je le lis, je le remplis… et je brûle le tout. Je reviens au CMP, en avouant mon acte, on me répond que j’avais besoin d’aller jusque là, pour me rendre compte qu’il m’appartenait de faire que l’histoire ne se répète pas. Et que ma fille avait sa propre histoire qui n’était pas un calque de la mienne.


Tout est rentré dans l’ordre au 9ème mois de ma fille, qui coïncide avec l’âge que j’avais lors de mon adoption. Depuis, je ne dirais pas que tout est rose, mais notre chemin ensemble me comble de joie et de bonheur.


Tellement de bonheur que j’ai vite voulu un autre enfant.

Un jour, j’ai refusé d’allaiter ma fille, un je ne sais quoi qui avait changé… elle avait 18 mois, et le « je ne sais quoi » était un bébé qui venait de se loger au creux de moi.


Une grossesse qui fut sous le signe des tensions : peur de revivre la DPP, peur de ne pas aimer ce bébé autant que ma fille, peur de revivre un accouchement monstrueux, peur que mon couple explose. D’ailleurs, je me sens tellement peu soutenue durant ma grossesse que je me sépare de mon conjoint, je pense même lui demander de ne pas venir à l’accouchement.

Cette fois-ci, j’arrive à faire ma bulle en fin de grossesse. Claire est toujours auprès de moi, j’ai choisi une maternité respectueuse pour mon accouchement, où le médecin m’accueille à bras ouverts. J’ai choisi une préparation yoga, un moment de plénitude qui me va bien. J’ai demandé à une sage-femme libérale, conseillère en lactation, de venir en suite de couches chez moi, car je prévois un retour précoce.

Encore une fois je dépasse le terme. Une séance d’acupuncture viendra m’aider, et puis cette fois-ci je suis confiante, je me sens plus forte et si bien entourée. J’ai aussi puisé dans mon Blessingway toute l’énergie des femmes dont je suis proche, je me sens reliée à mon corps, reliée aux femmes et à la Terre.

Le travail se met en route, Claire est là, me lit des lettres reçues lors de mon Blessingway. Quand nous partons pour la maternité, j’ai peur que le travail ne s’arrête… en fait, tout roule.
J’arrive là-bas et je suis bien.

Je ne sais pas comment décrire mon accouchement. Féérique, c’est peut-être cela. Toutes mes vagues sont accompagnées du bol tibétain ; j’appelle mon bébé pour qu’il vienne, je suis sur le ballon avec Claire, et au final mon mari est à mes côtés.

Je perds un peu l’esprit dans la phase de désespérance, voulant rentrer chez moi et qu’on stoppe l’accouchement. Les sages-femmes appellent Claire à la rescousse. Avec ses mots j’accepte de reprendre le chemin de l’accouchement.
Une demi-heure plus tard, j’explose la poche des eaux et dans un râle d’une seule poussée mon fils naît. Je suis debout, penchée en avant, l’équipe le récupère derrière moi.

Je viens de vivre le plus beau moment de ma vie, la naissance de mon fils, ma naissance en tant qu’amazone, femme forte capable de porter le monde. Cette naissance est venue réparer, pas seulement mon précédent accouchement, mais aussi un peu toute mon histoire personnelle.


La suite fut sans fausse note, un retour chez moi 15h après la naissance, un allaitement réussi, une facilité à m’occuper de lui et à l’aimer. Quand je repense à cet accouchement j’ai toujours le sourire, j’ai le sentiment d’avoir vécu un instant de grâce…


Depuis, je suis une femme sur le chemin de la reconstruction. Je me sens épanouie dans mon rôle de maman à plein temps, et je travaille dur pour mon épanouissement personnel.

Je m’entoure de femmes, surtout de mères. J’interviens également en proposant du soutien à la parentalité, je me forme.

C’est très étrange, je me suis longtemps perçue comme une gamine… mais depuis la naissance de mon fils je me sens pleinement femme !

Marie

5 décembre 2010

Après plusieurs années d’attente, voilà qu’un

Après plusieurs années d’attente, voilà qu’un petit être se décide à vivre parmi nous. Je n’imaginais pas qu’avant même sa naissance, ma vie allait être tant bousculée…

En juin 2008, j’apprends ma grossesse de manière classique : retard de règles, et test de grossesse positif. Nous sommes heureux, rassurés aussi : nous commencions à douter de notre capacité à donner la vie sans avoir recours à la PMA. Pour ma part, j’idéalise ce que va être cette grossesse.

Très vite, les désagréments, à savoir les nausées, viennent entacher ma sérénité. Des nausées abominables, jour et nuit sans discontinuer, et ce jusqu’au 6ème mois environ, très difficile à vivre. A cela, s’ajoute vers le 4ème mois un syndrome de Lacomme très invalidant (douleurs musculaires et ligamentaires), qui diminuait progressivement ma mobilité et mes déplacements.
Pas de soutien du corps médical qui n’entend pas mon malaise, et qui ne cesse de me renvoyer que « c’est courant », et que « tout est parfaitement normal pour le bébé ».

Du coup, je me tourne vers des activités comme le chant prénatal, la sophrologie, l’acupuncture… pendant que je peux encore me déplacer. Cela ne me soulage que très partiellement. Je me sens très seule, enfermée dans ma douleur; je ne peux me détendre et m’occuper l’esprit par la lecture, des activités manuelles ou même la télévision, tant les nausées sont envahissantes et prennent toute la place.
Mon conjoint ne sait plus que faire pour tenter de me distraire. J’accepte pour lui faire plaisir ses propositions de sorties (promenades en forêt…) mais c’est un calvaire pour moi, je préfère de loin être dans le fond de mon lit. Lui aussi tombe des nues, il n’avait pas imaginé cela.

Vu ma sédentarité forcée, et les grignotages intempestifs pour tenter de calmer des nausées qui, l’estomac plein, se font l’espace d’un instant plus supportables, je prends beaucoup de poids. Plus 23kg au début du neuvième mois, après j’ai arrêté de me peser!
Inutile de préciser que je n’ai pas travaillé de toute la grossesse. Le grand vide, passage de l’hyperactivité à l’apathie la plus totale, sans transition…
Je prie chaque jour pour que cette douleur physique s’en aille, j’ai si mal dans mon corps…

Paradoxalement, je ne regrette rien. Je voudrais juste que le temps passe plus vite pour accoucher. Je savoure ce moment de communion avec mon bébé dans mon ventre. Je l’ai très vite senti bouger, je lui ai beaucoup parlé et chanté des chansons. Tout aurait pu être parfait…

Moralement aussi, c’est très moyen. Je ne me sens pas en sécurité.
Je n’ai pas peur pour mon bébé, à aucun moment; je sais que lui va parfaitement bien, je le sens. J’ai peur de tout, j’ai peur dans ma maison…
Et surtout, petit à petit, va s’installer une peur panique : et si je me retrouvais toute seule avec ce bébé! Cela devient mon angoisse, une obsession, une torture. Cette idée s’est instillée sans que je ne sache ni comment ni pourquoi. Jamais auparavant je n’avais douté de la solidité de mon couple, de la fidélité de mon compagnon… mais subitement, tout avait changé. Je le soupçonnais de me tromper, de ne plus m’aimer, de vouloir me quitter, nous abandonner… alors que rien de concret n’infirme cette impression. J’imaginais aussi régulièrement qu’il allait mourir, d’une maladie ou d’un accident : c’était comme une intuition. Je pleurais beaucoup. J’étais exécrable, je surveillais tous ses faits et gestes, l’interrogeais, lui faisais des scènes, remettais tout en cause. Je ne supportais pas qu’il sorte sans moi, je le voulais tout le temps présent, disponible, tout à moi. J’étais littéralement étouffante, tentaculaire, presque détestable!

De son côté, il avait plus que jamais besoin d’évasion, ce qui alimentait ma paranoïa : il n’est jamais autant sorti le soir avec ses amis que durant cette période. Sûrement pour fuir mon besoin de rassurance intarissable, profiter de ses derniers moments en tant que jeune homme avant d’être « enchaîné » à son foyer et ses responsabilités paternelles, et peut-être exorciser quelques angoisses personnelles et existentielles liées à cette étape cruciale de sa vie.

Ces idées prennent alors une dimension telle, qu’elles envahissent mon quotidien, je ne parviens pas à les réfréner, comme si elles s’imposaient à moi. Je sens alors qu’il est temps de me faire aider pour tenter de comprendre ce qui m’arrive, ce qui est à l’origine de cette perte d’équilibre et pourquoi cela survient à ce moment de ma vie.

J’ai plusieurs amies proches, mais aucune avec qui je me sente à l’aise pour évoquer ce sujet. Quant à ma mère, nous n’avons pas été très proches durant ma grossesse. Elle semble y porter peu d’intérêt, et évite même les sujets de discussion liés à ma maternité lorsque nous nous voyons. Pourtant, je sens que j’aurais eu besoin d’entendre parler des circonstances de ma naissance, restées pour moi un peu floues car très peu souvent abordées. Mais je n’ose pas, connaissant sa douleur encore aujourd’hui présente autour de ce sujet.

Ma mère a été enceinte de moi à 18 ans, un « accident ». Elle a beaucoup souffert de vivre sa grossesse seule, mon père ayant disparu dans la nature en apprenant la nouvelle. Je l’ai souvent entendue dire que c’était une période de sa vie très difficile, très destructrice pour elle. J’ai donc certainement associé le fait d’être enceinte et celui de souffrir, ce qui constitue peut-être déjà un semblant d’explication. Cette peur de l’abandon qui s’emparait de moi prenait peut-être son origine dans l’histoire de ma mère : elle a été abandonnée, je l’ai été moi aussi… et si l’histoire se répétait?

Je contacte alors une femme avec qui j’avais effectué une constellation familiale en groupe quelques mois auparavant. Elle m’avait déjà aidée à comprendre pas mal de choses sur nos difficultés à concevoir un enfant. Nous continuons le travail sous forme d’entretiens individuels, avec des outils de psychogénéalogie.
Il en ressort que, dans ma lignée familiale, depuis plusieurs générations, les femmes/mères ne se sont pas réalisées dans leur vie et que les hommes/pères étaient absents (morts, disparus, marginaux, handicapés…). Il apparaît pour moi compliqué de me réaliser pleinement en tant que femme et mère dans ce contexte. Il s’agit de m’autoriser à vivre une union heureuse, d’accepter d’être la mère d’un enfant au père présent. Par loyauté envers mon clan familial, ce père ne pouvait être là, et je ne devais pas être heureuse. J’étais donc en train malgré moi de reproduire les choses, c'est-à-dire évincer le père. Par mon comportement invivable, je le poussais à disparaître, à renoncer à sa place de père responsable.

Nous avons travaillé à l’aide de visualisations, mises en scène et autres techniques, dans le but de rompre les répétitions, les liens négatifs, de me débarrasser des « fardeaux » qui ne sont pas les miens… Cette hypothèse de compréhension de ce qu’il m’arrivait m’a beaucoup parlé et aidée, ce qui a sensiblement et rapidement fait évoluer la situation. Les douleurs n’ont pas disparu, en revanche mon état émotionnel s’est grandement amélioré. J’ai pu vivre la fin de ma grossesse sereinement, avec une confiance en moi et en mon compagnon retrouvée.

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Après la naissance de ma fille, ma mère a fait une profonde dépression. Déjà, lorsqu’elle est venue nous voir à la maternité, j’ai bien vu que quelque chose n’allait pas, que c’était difficile pour elle d’être là. Plus tard, elle m’a dit qu’elle n’avait pas du tout été indifférente au fait que j’attende un enfant, bien au contraire. Mais ma grossesse l’a profondément chamboulée. L’immense blessure morale qu’elle pensait bien enfouie a été ravivée, et s’est manifestée de manière violente. Elle a revécu sa propre grossesse et ma naissance, souvenirs et émotions réactivés, à travers mon histoire.

Ludivine

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